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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/260

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Les visiteurs vont pénétrer au cœur du palais, et la clameur éperdue de la fanfare a la prétention de symboliser « celle de la nature, stupéfaite de l’audace des étrangers qui osent affronter la vue du Sultan ».

Une voûte se présente.

Un étendard, sur lequel un oiseau emblématique déploie ses ailes d’or, s’abaisse devant les visiteurs ; le guerrier chocolat, au casque de carton enluminé, qui pique la lance en terre, apparaît, dans sa gravité, comme un héros funambulesque, un saint Georges d’opérette, triomphateur d’un dragon à flonflons !

Malgré ce côté ridicule des êtres, Albin se sentit pris par le spectacle qui s’offrit à ses yeux, une fois la dernière voûte franchie.

Devant lui s’étendait une cour rectangulaire de quatre à cinq cents mètres de profondeur, cerclée par une colonnade de marbre, aux fûts blancs, bleus, verts, jaunes et rouges alternés.

Servant de base à un kiosque situé au centre, des degrés de marbre superposés en pyramide étaient couverts de princes, de rajahs, de serviteurs prosternés.

— Les hauts dignitaires, souffla le résident à l’oreille du jeune homme.

Puis, désignant du regard les soldats armés de la lance et du bouclier, rangés devant la colonnade :

— L’armée du Sultan.

— Et ce kiosque, interrogea Gravelotte ?

— C’est le Pendoppo, c’est là que le maître de Djokjokarta va nous recevoir.

En prononçant ces mots, il y eut une fine ironie dans la voix du résident. Il savait bien, lui, le représentant du gouvernement hollandais, que toute la puissance du sultan n’était qu’apparente ; qu’à un kilomètre de la ville se dressait sur un éminence un fort carré avec une garnison de cinq cents hommes néerlandais, avec des canons à tir rapide, qui eussent eu tôt fait de réduire en miettes cité, Kraton, peuple et sultan.

Mais Albin ne perçut pas la restriction mentale.

Il admirait le Pendoppo, dont le toit de santal, surchargé d’arabesques à l’intérieur, affectait au dehors les courbes, les retroussis, les arêtes sinueuses de la plus pure fantaisie chinoise.

Au milieu des princes prosternés, les Européens