Aller au contenu

Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La grande route les gêna. Elle leur rappelait trop qu’il existait d’autres humains dont l’apparition eût mis leur doux songe en déroute. Une sente ombreuse se présenta. Ils s’y engagèrent.

Puis d’autres s’ouvrirent devant leurs pas. À chaque instant les chemins bifurquaient, c’était un méandre de sentes s’entre-croisant en tous sens. Heureux de vivre, ils passaient de l’une dans l’autre, étourdis de bonheur, de parfums capiteux, de fleurs inconnues, de murmures des feuillées.

La griserie exquise de la nature les berçait.

Comme une enfant, Lisbeth cueillait des fleurs. Son bras gauche à présent en supportait une grosse gerbe.

Et elle riait de son ignorance botanique, qui ne lui permettait pas de nommer ces belles inconnues. Elle riait de ne pouvoir employer avec elles le langage des fleurs, car pour donner un sens aux corolles, il faut connaître leur appellation.

Et Morlaix riait de la voir joyeuse.

Soudain, en débouchant dans une clairière assez vaste, un même fait les frappa.

L’ombre des arbres s’allongeait indéfiniment. Le soleil était donc bien bas sur l’horizon.

Mais alors, il se faisait tard. Il fallait songer au retour. Tous deux se retournèrent d’un même mouvement et demeurèrent immobiles, la stupéfaction peinte sur le visage.

Du milieu de l’espace découvert, où ils étaient parvenus, ils apercevaient une demi-douzaine de sentiers s’enfonçant sous le taillis, telles des tonnelles de verdure.

Mais tous leur paraissaient identiques.

Lequel avait livré passage aux jeunes gens ?

Tout à leurs pensées, aucun n’avait pris de points de repère, aucun n’avait jalonné la roule de souvenirs capables de le guider au retour.

Leurs yeux se rencontrèrent. Ils se comprirent.

— Nous serions égarés ? fit doucement Lisbeth.

— Je le crains, reprit Morlaix affectant un ton léger ; mais cela n’a aucune importance. La mer est dans cette direction, et en somme, sauf le risque de rentrer à Manille un peu tard…

— C’est que la nuit va venir, et une fois dans l’obscurité…