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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/372

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regrets, car à la combinaison il gagnera. Nous serons deux à l’aimer.

Il y eut sur le visage de Moralès des expressions contradictoires : satisfaction, regret, mais cela fut rapide comme l’éclair. Le Philippin se ressaisit et, sur un signe de lui, les jeunes gens furent entraînés, chacun de son côté, par des insurgés qu’un signal du chef avait appelés.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Antonio était libre maintenant.

Quittant l’abri souterrain où se cachait la bande de Moralès, il s’était enfoncé dans la forêt. Pas bien loin, d’ailleurs.

À quelques centaines de mètres de la cabane, il s’était allongé sur le sol, et la tête appuyée sur ses bras repliés, il semblait endormi.

Apparence trompeuse, car au moindre bruit il soulevait son front, ses yeux vifs scrutaient les alentours, puis rassuré, il reprenait sa position première. En réalité, il rêvait.

À quoi ? à une reconnaissance éclose en son cœur fruste.

À demi sauvage, emporté par une haine instinctive contre quiconque entravait sa liberté, le métis avait passé sa vie à courir les buissons, faisant la guerre de partisans, naguère aux Espagnols, à présent aux Américains. Toujours traqué, environné d’embûches, sentant la main du bourreau sans cesse menacer sa joie, les émotions tendres avaient tenu peu de place dans son existence.

Et voilà que tout à coup, de même qu’une fleurette née sur l’arête d’un rocher, quelque chose de frais, de gracieux, de doux s’était éveillé en lui.

Daalia, cette belle jeune fille, avait intercédé pour lui au fort de Mariveles.

Elle n’était point une Européenne détestée. Elle venait de Sumatra. Elle avait l’épiderme doré des filles du soleil, les grands yeux de velours où gît le rêve de l’Orient. La grâce, la bonté étaient en elle.

À ce simple, à ce farouche batteur d’estrade, elle était apparue telle une incarnation de cette madone qu’enfant on lui avait appris à implorer, et qui, jusqu’à ce moment, n’avait été pour son intellect obscur qu’une conception vague, imprécise, au milieu d’un brouillard.