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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/379

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— Oh ! les gens d’Europe n’hésitent pas à l’ordinaire à en commettre de semblables. Vous seule peut-être, dans ce pays désolé, pensez autrement que les envahisseurs. Ce jour-là, je me suis promis d’être votre serviteur, votre défenseur. J’ai commencé à tenir parole, je viens achever.

Elle le regarda sans comprendre. Il reprit lentement, comme s’il ne se rendait pas compte de l’énormité des paroles prononcées.

— Je n’ai pas voulu que la pauvreté jetât sur vous son linceul sombre. Tantôt j’ai tué mon camarade Lopez, chargé de porter la lettre que l’on vous avait contrainte à écrire. Sur son cadavre, j’ai repris cette lettre et je l’ai brûlée.

Daalia eut un cri d’épouvante :

— Malheureux, vous m’avez condamnée. Si mon père ne répond pas, votre chef préviendra…

— Le sacrificateur Oraï, rassurez-vous, Doña ; personne ne préviendra Oraï.

— Pourquoi ?

— Parce qu’au jour, ceux qui pourraient parler, seront morts.

Elle répéta en frissonnant :

— Morts ?

Lui poursuivait cependant :

— Nicliam ne trahira plus personne. Mon couteau l’a punie de sa trahison.

— Quoi, elle aussi ? bégaya la jeune fille.

Le dévouement sauvage d’Antonio lui faisait peur. Instinctivement, elle avait reculé d’un pas, ses yeux se fixèrent pleins d’épouvante sur le métis qui avouait, avec un cynisme inconscient, avoir tranché deux existences dans la journée.

— Moralès parlerait, reprit le partisan. Il serait sans pitié pour vous s’il apprenait qu’il a été joué. Mais ceux qui ont quitté la vie ne viennent jamais faire leurs confidences à ceux qui y sont encore engagés.

Les dents de Daalia s’entrechoquèrent :

— L’auriez-vous poignardé aussi ?

— Non… Les Américains se chargeront de ce soin.

— Les Américains, ?

— Oui. Par un faux signal, j’ai envoyé le chef et mes compagnons au mont Dolo. Les Américains, prévenus par moi, y sont en embuscade.