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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/395

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— Avec un Français, un Russe ne saurait avoir de secrets. Mon gouvernement craint la guerre avec le Japon.

— Vous dites ?

— Que les « Nippons », poussés par des intérêts financiers puissants, se trouvent acculés à la faillite ou à une diversion extérieure. Chez nous, on veut la paix et, par malheur, on n’a pas préparé la guerre. Si bien qu’en cas de conflit, nous devons nous attendre à débuter par des désastres. Oh ! nous vaincrons en fin de compte ; mais combien de douleurs auparavant !

— Vous croyez donc la lutte imminente ?

— Hélas ! oui. Je termine à cette heure une croisière de reconnaissance. Partout, dans tout cet extrême Orient, l’impression est la même. Les gens de bonne foi s’étonnent de la confiance de la Russie ; les autres supputent les bénéfices qu’ils tireront de ses déboires.

— Diable ! Diable ! Voyez-vous que les hostilités soient commencées.

L’officier haussa les épaules et avec cette mélancolie fataliste des Slaves :

— J’ai des canons, des obus… et un équipage qui préférera la mort à la captivité.

Puis, redevenant souriant :

— Mais bah ! il n’arrive que ce que le ciel a décidé… Qu’il en soit ainsi… et parlons d’autre chose.

Au surplus, l’apparition, sur le pont, de Daalia, suivie de sa fidèle Rana, donna un autre cours à la conversation.

La vieille nourrice ne cacha pas sa joie, lorsqu’elle apprit que l’on gagnerait l’Europe. Quel que fût son culte pour le dieu batta, la Soumhadryenne trouvait tout simple de le frustrer de sa victime, dès l’instant que sa victime était sa jeune maîtresse.

Daalia, elle, tenta de résister.

Elle avait promis ; elle se devait au temple.

Mais Albin la regardait. Il disait son mépris pour ces prêtres qui entraînent des peuples aux sacrifices humains. Sa tendresse le rendait-elle éloquent ? Ou bien l’affection de la jeune fille lui prêtait-elle une éloquence absente ?

Il est difficile de préciser.

Toujours est-il qu’elle consentit à se laisser persua-