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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/40

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reine absolue, qui veut que le riche fasse une part de ses biens aux déshérités.

Et après un silence :

– Mes commettants, continua l’étrange personnage, sont des déshérités, qui ont absolument besoin de dix mille francs. Leur âme charitable leur a fait penser qu’ils les obtiendraient de vous.

– De moi ?…

– Qui êtes déjà fort riche, et le serez davantage grâce aux millions de l’oncle François, acheva paisiblement le visiteur.

Un silence suivit.

Fleck avait repris sa marche à travers la chambre.

Soudain il fit halte, se planta devant son interlocuteur et d’un ton mordant :

– Un chantage, dit-il.

L’autre ne sourcilla pas, mais rectifia placidement :

– Une charité.

L’Allemand serra les poings.

– Et si je refusais de me laisser rançonner ? Si je sonnais ? Si je vous faisais arrêter ?

L’homme eut un geste insouciant.

– L’homme qui dédaigne les joies de la charité, mérite d’être frappé en lui-même et en ses descendants.

– C’est-à-dire ?

– Qu’un coup de poignard trancherait le fil de la vie de la pauvre Lisbeth.

Lugubre était l’intonation de l’inconnu.

Fleck sentit ses grosses jambes trembler sous lui.

Certes, il n’était pas arrivé à son âge et à son poids sans connaître la peur ; mais jamais il ne l’avait ressentie aussi aiguë, aussi angoissante.

Ses rares cheveux se hérissèrent sur son crâne, un frisson lui parcourut l’échiné. Il se serait volontiers évanoui, ce qui, les femmes charmantes le savent bien, est une façon délectable de couper court à un entretien embarrassant.

Mais le visiteur ajouta :

– Si, dans une heure, je n’ai point remis la somme à ceux dont je suis le représentant, Mlle Lisbeth aura vécu.