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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/409

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envers la divinité, elle serait égorgée sur les autels.

Il fut tiré de ses réflexions par la voix du commandant Kuroki.

— Eh bien, frère malais, avais-je tort ?

— Tort en quoi, capitaine ?

— En vous disant que mon navire marchait autrement que celui de ces barbares russes ?

— Non, certes.

Le Japonais se prit à rire.

— Et cela les blesse profondément.

L’affirmation amena sur les traits du sacrificateur, une expression d’étonnement.

— Comment le croyez-vous ?

— Je regarde. Faites de même et vous comprendrez.

Oraï obéit. Ses yeux se fixèrent sur le Varyag.

— Voyez-vous ? reprit le Nippon après un instant.

— Ma foi, non.

— Comment ? vous ne vous apercevez pas que, depuis un instant, la fumée du russe devient plus épaisse.

— Si, en effet, mais qu’est-ce que cela prouve ?

— Que les Russes ont chargé leurs soupapes, et qu’ils forcent les feux pour nous distancer.

Et se tournant vers l’officier de service sur la passerelle, Kuroki clama :

— Réglez la marche de façon à nous maintenir en ligne avec l’ennemi.

L’ennemi. Déjà, pour tous les fils du Japon, la Russie était l’ennemie.

Oraï écoutait.

Les cheminées du Nasaki se couronnèrent d’un panache de fumée plus épaisse, l’hélice donna vingt tours de plus à la minute, et le croiseur, obéissant à l’impulsion, accéléra sa vitesse.

— Commandant, le barbare gouverne sur nous.

C’était vrai ; le Varyag évoluait et se dirigeait sur le croiseur japonais.

Un éclat de rire du capitaine Kuroki accueillit la manœuvre.

— Prenez chasse devant lui, ordonna-t-il.

Et ainsi durant tout le jour, le vaisseau nippon régla sa marche, sa direction, sur celles du steamer russe, parvenant, grâce à sa supériorité comme marcheur, à se maintenir toujours à la même distance de son… ennemi.