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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/421

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Elle frissonne du péril entrevu. Un peu plus, elle tombait au pouvoir d’Oraï. Un peu plus, elle était perdue. Et en même temps, un bonheur inconnu, immense, chante en elle. Elle est sauvée, et qui a été son sauveur ? Lui, lui, ce jeune homme à qui sa sympathie est allée à première vue, auprès duquel elle souhaite couler ses jours.

Toute à ses réflexions, elle s’étonna quand le canot accosta le Varyag.

— Déjà, fit-elle.

Et Albin la remercia de ce mot. Avec la clairvoyance de l’affection, il avait suivi pas à pas sa pensée, la lisant comme en un livre sur son front pur, dans ses regards candides.

Très étonné du retour de ses deux passagers, le commandant les attendait sur le pont.

Mis au courant par Albin, il secoua la tête et doucement :

— Alors, que comptez-vous faire ?

— Vous supplier de nous garder à votre bord, commandant

— Oh ! cela, volontiers ! J’ai commencé à violer les règlements. Un peu plus, un peu moins, cela n’a pas d’importance. Soit, vous voilà à bord ; mais, après ? Vous n’avez pas l’intention de contracter un engagement à vie dans la marine russe ?

— Cela, je l’avoue, dit gaiement Gravelotte.

— J’en étais sûr. Alors ?…

— Votre navire, commandant, va quitter Chemulpo d’un moment à l’autre ?

— Sûrement ! le Koreietz et moi attendons un télégramme de l’amiral Alexeieff, commandant en chef des forces navales russes d’Extrême-Orient[1], pour rallier, soit Port-Arthur, soit Vladivostok.

— Eh bien, commandant, nous vous ferons nos adieux dans l’un ou l’autre de ces ports de guerre. Chacun occupant l’extrémité d’une des branches du chemin de fer, qui continuent le transsibérien, à partir de Kharbin, rien de plus aisé pour nous que

  1. Ce télégramme fut en effet envoyé par l’amiral Alexeieff. Il ordonnait aux deux navires russes de rejoindre l’escadre de Port-Arthur. Mais avant toute déclaration de guerre, les Japonais interceptèrent le message qui ne parvint pas à ses destinataires.