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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/49

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Sa compagne est une jeune fille, seize ans à peine. Mais s’il est aisé de pronostiquer que, lui, est Européen, il semble impossible de déterminer à quelle race, elle, doit être rattachée.

Oh ! elle porte à ravir, sa robe de mousseline qui fait valoir sa taille souple ; d’exquis petits souliers de chevreau moulent ses pieds fins, élégants, cambrés, à dépiter Cendrillon elle-même.

Seulement ses cheveux sont d’un fauve sombre, inconnu en Europe. On dirait que l’on a fondu ensemble la chevelure noir bleu des indigènes et les mèches blondes des enfants du Nord. Ses yeux veloutés ont la teinte des pensées foncées, un violet profond, où l’on devine une mélancolie douce, un abîme de rêve. 

Enfin il n’est point jusqu’à son teint qui n’ait de quoi enfanter l’indécision. Certes elle est blanche, la charmante enfant, mais d’une blancheur spéciale, avec quelque chose de doré, comme si sa peau, fine et transparente, avait été tissée de trois fils de soie, neigeuse et d’un fil d’or.

— Ah ! grommelle le vieillard, voilà les ennuis qui commencent. Voilà ce que c’est que de se prêter aux folles imaginations d’une fillette.

— Folles imaginations !

C’est la jeune fille qui répète en écho ces dernières paroles.

Dans son accent, il y a de la tristesse et du reproche.

Le planteur se souleva à demi sur son siège.

— Là, là, ma Daalia, ne te fâche pas. Je suis pour toi le plus obéissant des pères ; reconnais au moins que tu compliques ma vie avec ton idole M’Prahu[1].

Daalia joignit les mains d’un air consterné :

— M’Prahu n’est pas une idole ; c’est la divinité qu’adorait ma mère, ma mère née d’une famille de prêtres de la vaillante race batta.

— J’ai dit idole par inadvertance, mignonne. Foi

  1. Divinité des peuples battas. M’Prahu est une contraction de Maleuc Pioctolang, Ravensaar, Hurbanlooe, et peut se traduire par : Celui qui est plus haut que les fumées des volcans.