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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/108

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Et se reportant à sa traduction, écrite au crayon dans la marge.

— Ô chien, lâche devant les loups
Que menaces-tu le passant innocent ?
Que ne tournes-tu tes vaines menaces
Contre qui te châtierait ?

Avec colère, il reprit :

— Mais non, moi, ils me flattent… et sous couleur de me servir, ils agrandissent sans cesse le fossé creusé par leur sottise entre mon peuple et moi.

À ce moment, on gratta doucement à la porte de la salle.

— Qu’est-ce, murmura Louis ?

La tête mutine d’un page parut.

— Ah ! c’est toi, Rohan. Pour qui me déranges-tu ? Je te préviens que si ce n’est pas pour un ami cher, je te ferai donner des étrivières.

Le page sourit et avec une feinte humilité :

— Je m’inclinerai devant le bon plaisir du roi.

— Mais enfin qui m’annonces-tu ?

— M. de Blacas, Sire.

— Que ne le disais-tu de suite ?

— C’est qu’il n’est pas seul.

— Qui l’accompagne ?

— Un gentilhomme que Votre Majesté a déjà daigné recevoir, en décembre, à son arrivée de Vienne.

— De Vienne, gronda le roi en se soulevant à demi sur son siège ? Ah j’y suis ; cet envoyé de Talleyrand sans doute. Qu’attends-tu pour les introduire, petit drôle ?

Le page ne jugea pas à propos de répondre. Il s’effaça pour annoncer d’une voix de fausset :

— M. le duc de Blacas ! M. le comte de Rochegaule d’Artin !

Les deux gentilshommes entrèrent. La porte se referma derrière eux.

Louis tendit affectueusement les mains à son favori :

— Te voilà, mon Duc, qu’est-ce qui t’amène ?

— M. de Rochegaule que M. de Talleyrand rappelle à Vienne, m’a supplié de lui fournir l’occasion de présenter ses adieux à Votre Majesté.

— Ah ah ! M. de Rochegaule, nous quitte.

Le ton léger du roi ne parut pas troubler l’interpellé. Baissant les yeux, mais la voix mordante, celui-ci prit la parole, après une respectueuse inclination :