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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/166

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CHAPITRE XIX

Menus faits


Une route carrossable reliait Porto-Ferrajo à San Martino.

Au grand trot de leurs chevaux, les deux promeneurs la parcoururent. Bientôt, ils aperçurent au loin, la cime des arbres qui ombrageaient le parc situe au fond de la vallée.

Au point où ils étaient parvenus, la route s’encaissait entre deux remblais de roches ferrugineuses, aux tons rouges, qui tantôt interceptaient les regards, tantôt s’abaissaient de façon à être dépassés par la tête des cavaliers.

En capricieuses sinuosités, cette route descendait vers le vallon.

Or, comme l’Empereur faisait volter son cheval à l’un des coudes ainsi formés, l’animal pointa brusquement et refusa d’avancer.

— Qu’y a-t-il, Sire, s’écria le général Drouot en se précipitant auprès de la monture de l’Empereur ?

— Ma foi, je n’en sais rien, Montmirail a un caprice.

Montmirail, souvenir d’une victoire de la dernière campagne de France, était le nom donné par Napoléon à son cheval préféré.

Sa bête ne se calmait pas.

Arquée sur les jarrets, le cou tendu en avant, les oreilles couchées, tout en elle indiquait l’inquiétude.

Du coup, Drouot mit pied à terre.

— Est-ce qu’il y aurait quelque mauvais garçon par ici, grommela-t-il ?

Napoléon entendit :

— Bon, fit-il légèrement, vas-tu pas croire aux bruits que fait courir mon brave Marchand. Il a si peur pour moi, qu’il voit des assassins partout.

— Il n’a pas tort.