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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/176

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CHAPITRE XX

Âme d’impératrice


Marciana est un des rares coins ombreux de l’île d’Elbe dénudée.

Durant l’été précédent, l’Empereur, qui souffrait de la chaleur dans la ville de Porto-Ferrajo, embrasée par le soleil, s’était retiré à Marciana.

Il n’y avait là qu’une bicoque, où on avait installé Madame Mère, quant à l’exilé, il avait vécu sous la tente, comme les quelques amis dont il était accompagné.

Maintenant la maisonnette était déserte.

La comtesse Walewska, partie de Vienne avec Espérat et Henry, s’était fait conduire en cet endroit écarté, afin de pouvoir entretenir, sans crainte des oreilles indiscrètes, celui qu’elle souhaitait aviser des projets ourdis contre lui.

Dans une pièce simplement meublée, elle attendait. Son fils, fatigué du voyage, dormait sur un fauteuil.

La noble femme rêvait.

Elle se revoyait, au moment du départ, échangeant un dernier baiser avec son époux. Elle entendait la voix triste du comte murmurer :

— Au revoir… ou adieu !

Adieu. Oui, tous deux avaient accepté le sacrifice. Plus de famille si Napoléon résistait à ses prières, s’il permettait qu’il n’y eût plus de Pologne.

Et puis elle se souvenait de la parole d’espoir, jetée comme une supplique par le noble Polonais :

— Dieu ne voudra pas nous séparer à jamais. Il ne voudra pas que notre fils soit orphelin.

Et puis c’était la longue route jusqu’à Gênes, les relais, les chaussées boueuses, les auberges où l’on passait la nuit.

Empressés, souriants, infatigables, ses compagnons de voyage tenaient une grande place dans sa pensée.