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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/195

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Espérat, avec une indifférence parfaitement jouée, recommença à faire sauter ses cailloux en l’air.

Au bout de quelques minutes, l’Anglais revint à lui, une enveloppe cachetée à la main.

— Voici la lettre, mon ami.

— Elle sera remise, Milord.

— Et voici un second acompte pour vous.

Une demi-douzaine de guinées passèrent des doigts de Campbell dans ceux de Milhuitcent.

— Je reviendrai demain.

Et plus raide, plus gourmé que jamais, le Commissaire de la Sainte-Alliance reprit place dans sa voiture qui se dirigea aussitôt vers Porto-Ferrajo.

Espérat ne bougea pas jusqu’au moment où l’équipage eut disparu. Alors seulement, il se décida à se lever :

— Pour un homme bien renseigné, plaisanta-t-il, voilà un homme bien renseigné. Mais qu’est-ce que cet olibrius peut bien écrire à Mme de Walewska ?

Il eut un geste insouciant :

— Bah ! nous le verrons bien.

Et il rentra dans la maison, dont il referma soigneusement la porte derrière lui.

En face du jeune homme se trouvait une large baie, fermée d’ordinaire par une portière. En ce moment, la draperie était relevée et permettait aux regards de plonger dans la seconde pièce. Napoléon était là.

Auprès de lui, se tenaient sa mère, Mme Lætitia, sa sœur Pauline, la comtesse de Walewska.

Cette dernière seule était tournée vers l’entrée. Elle aperçut Espérat, et d’un geste rapide lui enjoignit d’attendre.

Le jeune homme comprit. Il se dissimula le long du mur.

Dans cette position, il attendit.

— Ma mère, disait l’Empereur, mon cœur est en proie au doute. Conseillez-moi.

— Parle, mon fils, parle, répliqua Madame Mère d’un ton ferme.

En se penchant, Milhuitcent apercevait le profil énergique de la vieille dame.

— Tout va se décider, murmura-t-il avec émotion.

Mais l’Empereur reprit :