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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/202

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CHAPITRE XXII

Où Espérat entre dans la diplomatie


Dans une maison dont les fenêtres s’ouvraient vis-à-vis de la cathédrale de Porto-Ferrajo, le colonel Campbell réfléchissait.

Il y avait plusieurs heures qu’il était revenu de son infructueuse expédition à Marciana. Infructueuse, parce qu’il n’avait pu voir la dame qu’il considérait comme la prisonnière de Napoléon, infructueuse à ce point de vue seulement, car il était rentré chez lui, muni de renseignements du plus haut intérêt.

Pas une seconde, il n’avait mis en doute les affirmations fantaisistes du faux laquais Espérat.

La comtesse Walewska, était pour lui la baronne suédoise Rœmer, familière de Bernadotte, suivante de Marie-Louise.

Et maintenant, il se creusait la cervelle pour deviner quel enchaînement de circonstances avait amené la « baronne » à l’île d’Elbe, quelles résolutions prises par M. de Talleyrand et lord Castlereagh, délégués des gouvernements français et anglais au congrès de Vienne, avaient motivé le voyage précipité et mystérieux de la jeune femme.

Dans la salle, située au rez-de-chaussée, il marchait pensivement, jetant, de ci de là, un regard sur la place, où passaient des promeneurs clairsemés. Tout à coup, il tressaillit.

Une silhouette connue venait de se découper sur les vitres de la fenêtre.

— Le laquais de la baronne, murmura-t-il !

Espérat, c’était bien lui, avait passé. La muraille le cachait à présent ; mais une minute ne s’était pas écoulée, qu’il reparut, marchant en sens inverse. On eût dit qu’il faisait les cent pas devant le logis du commissaire de la Sainte-Alliance.

Il sembla à ce dernier que le promeneur cherchait à voir à l’intérieur, que ses yeux se fixaient obstinément sur la croisée. Était-ce une