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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/205

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— L’un apparent, destiné à tromper le roi d’Elbe ; l’autre réel qui vous concerne.

— Allez toujours, je ne perds pas une de vos précieuses paroles.

— Or, continua imperturbablement le jeune homme ; le but apparent est de venir annoncer à Napoléon que Sa Majesté Marie-Louise, de peur de rompre avec son père, avec toute sa famille, refuse absolument de venir s’installer en Elbe avec son fils.

Le colonel se frotta les mains.

— Ah ! ah ! Je conçois la colère de l’ogre de Corse, je conçois.

Les sourcils d’Espérat se froncèrent, mais ce ne fut qu’un éclair, le visage du faux laquais redevint placide :

— Attendez, Milord ; je n’ai pas fini.

— C’est juste… je demande votre pardon de vous avoir interrompu.

— Comme correctif à la déclaration que je viens de vous rapporter, Marie-Louise est censée consentir à une entrevue avec son époux.

— Une entrevue, clama l’espion ?

— Oui. Elle promet de venir à bord d’un navire qui mettra en panne au large. Elle ne descendra pas à terre, mais elle recevra la visite de Napoléon, s’il lui plaît de la voir et d’embrasser son fils, durant une demi-heure.

Brusquement, le colonel se leva.

— Mais je ne puis lui permettre de se rendre à bord d’un navire étranger.

— Lord Castlereagh le sait bien, fit paisiblement son interlocuteur.

— Et il me prévient, afin que j’empêche cette rencontre, parfait !

Il s’arrêta, Espérat secoua la tête avec énergie.

— Vous n’empêcherez rien, Milord.

— Pourquoi, je vous prie ?

— Parce que vous ne serez pas dans l’île à ce moment.

— Je ne… et où serai-je donc ?

— À Livourne, Milord, ville pour laquelle vous vous embarquerez aujourd’hui même, sur le même vaisseau qui y ramènera Mme la baronne de Rœmer.

Et comme le commissaire de la Sainte-Alliance, absolument ébahi, demeurait bouche bée, le jeune homme, réprimant à grand’peine, une inopportune envie de rire, continua lentement :

— Ici nous touchons au but réel de la présence à Marciana de Mme la baronne.