Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une coquette maison, sise un peu en dehors de Livourne, le colonel Campbell sortait d’un profond sommeil.

À son appel, une servante accourait, et l’espion pensait devenir fou de stupeur, en apprenant qu’il avait dormi durant toute une semaine.

L’aventure était simple pourtant.

Le navire qui l’avait transporté de Porto-Ferrajo à Libourne, après avoir échappé à la tempête, l’avait déposé sain et sauf sur les quais de la ville, en compagnie d’Henry Pandin et de la comtesse qu’il s’obstinait à appeler baronne.

Celle-ci l’avait conduit dans la maison du conseiller Acilco Pietri, qu’Henry, expédié en avant, avait prévenu.

Une collation avait été offerte à l’Anglais, collation agrémentée d’un soporifique, opium ou autre, et à la suite de laquelle l’espion avait fermé les yeux.

Le soir même, la comtesse et son fils reprirent la route de Vienne.

Henry, de son côté, s’était embarqué sur une tartane à destination de Gênes ; c’est-à-dire à deux pas de la frontière française.

Il allait précéder l’Empereur, Espérat, tous ceux devant lesquels Dieu, en ses impénétrables desseins, semblait avoir aplani la route fatale conduisant à la dernière défaite.

Quant à Acilco Pietri, il s’improvisa le garde-sommeil du colonel. Chaque jour il lui glissait entre les dents une ration de soporifique, suffisante pour vingt-quatre heures.

La veille seulement, Acilco avait pris congé de ses serviteurs, s’était laissé embrasser par eux, et cet obscur adorateur de Napoléon, qui, sans une hésitation, venait de sacrifier sa fortune au triomphe de son idole, s’était éloigné.

La liberté, son peuple, son général, étaient maintenant en marche vers Waterloo.

Et sûrement, dans les profondeurs de l’espace, par delà les soleils flamboyants, par delà les essaims obscurs des planètes, gravitant, papillons-boulets, autour des astres radieux, un glas funèbre tintait, un crépuscule de sang suintait du chaos.



FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.