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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/271

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Un frisson électrique passa dans les rangs. Un rugissement éclata :

— Vive l’Empereur !

Les skakos se balancèrent au bout des fusils. Les acclamations redoublèrent, répétées par la foule.

Éperdu de joie, Espérat se faufila entre les rangs, courut au colonel et d’une voix tremblante :

— C’est moi, colonel, qui vous conduirai à l’Empereur. Votre décision sera ratifiée par toute la France.

— Qui es-tu ?

— Un enfant qui aime l’Empereur et que l’Empereur aime.

— Ton nom ?

— Espérat Milhuitcent.

Le visage de l’officier s’éclaira :

— Ah ! fit-il, le petit héros de la campagne de France !

Et souriant :

— Non, tu partiras devant, pour qu’il n’ait aucune inquiétude en apprenant notre sortie de Grenoble.

À ce moment, les officiers des compagnies s’approchaient.

Le plus ancien prit la parole.

— Colonel, nous vous suivrons tous. Voyez nos hommes.

Partout, la vieille cocarde tricolore, pieusement cachée au fond des shakos, voyait le jour.

Les cocardes blanches étaient arrachées, jetées à terre, foulées aux pieds.

La Bédoyère montra cela à Milhuitcent.

— Regarde et rapporte à l’Empereur ce que tu as vu.

S’inclinant, Espérat se plongea dans la foule. Mais il n’avait pas encore quitté la place que le général Marchand paraissait à une fenêtre de la Préfecture. Sa voix rude s’élevait :

— Colonel, ce que vous venez de faire, est une trahison.

— Non, mon général, c’est le devoir d’un Français.

— Soldats, commanda le gouverneur, arrêtez le colonel.

Une immense acclamation lui répondit :

— Vive l’Empereur !

Les tambours battirent, le régiment se forma en colonne, et se mit en marche vers la porte dite de La Mure, escorté par une population en délire dont les vivats montaient jusqu’au ciel.

Sur le passage de la troupe se trouva le comte de Rochegaule-d’Artin qui, son crime commis, était rentré à Grenoble.

Il regarda, eut un mauvais rire :