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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/307

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XII

Pour trahir, le traître a toujours un prétexte[1]


Une chambre aux murs nus. Quelques chaises. Sur la table rustique, une lanterne dont la lueur rabattue vers le plancher laisse dans l’ombre la croisée aux contrevents fermés.

Les cinq officiers sont assis en face d’un homme qui semble les dominer.

Ils se montrent à la fois résolus et gênés.

On dirait qu’ils préparent une besogne dont leur conscience se trouble.

L’homme laisse tomber un papier qu’il tient à la main. Il le ramasse. Dans ce mouvement, son visage est éclairé par le cône lumineux que projette la lanterne.

C’est d’Artin, d’Artin l’artisan de trahisons.

Que vient-il faire, en ce pavillon perdu au milieu des fourrés de la forêt, entre les deux armées qui se heurteront sous peu de jours ?

Il parle.

— Ainsi, Messieurs, nous sommes d’accord ?

Ses interlocuteurs inclinent la tête pour affirmer.

— Vos dettes payées, l’oubli de certaines peccadilles, cent mille louis à chacun de vous… et la faveur du roi, garantie par l’immortel Blücher et l’invincible Wellington.

Les noms des généraux prussien et anglais résonnent de façon sinistre dans la salle. Les officiers courbent la tête comme s’ils sentaient passer un souffle de réprobation.

Mais le chef d’état-major Clouet prend la parole.

— Monsieur le comte, nous vous appartenons. C’est entendu ; nous agirons comme il vous plaira. Sans doute, il nous sera agréable de voir liquider

  1. Fiches du sieur Chenalières.