Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/330

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Dans son aveugle présomption, l’Usurpateur se jette de lui-même entre deux armées, dont chacune est aussi forte que la sienne.

Et avec la religiosité étrange qui est restée l’apanage de la Germanie, le vieux général ajouta :

— Le Dieu des batailles se prononce en notre faveur.

Puis, nerveux, autoritaire :

— Messieurs les aides de camp, remontez à cheval. Mes ordres à toutes les divisions — et les désignant successivement — Vous, au général Ziethen ; vous, à Pirch Ier ; vous, à Thielmann, je préviendrai Bulow moi-même. Que l’on se mette en retraite sur la plaine de Fleurus, en disputant le terrain, juste assez pour faciliter le mouvement. Le front de bataille entre Fleurus et Ligny. Que les premiers arrivés occupent les villages et les fortifient. Allez, ne perdez pas un instant. Demain nous accepterons la bataille, et les Français se briseront contre mes lignes, tandis que l’armée anglaise les prendra à revers.

L’erreur que Napoléon avait escomptée en ordonnant à ses généraux de repousser l’ennemi dans la plaine de Fleurus, sans s’y engager eux-mêmes, se produisait. Tandis que le génie de l’Empereur se rendait compte que les Prussiens pourraient être vaincus, bien avant que les Anglais fussent en mesure de leur porter secours, l’esprit moins large de Blücher faisait le calcul contraire, calcul faux qu’une étude sérieuse de la carte permet de juger.

Les officiers d’ordonnance s’étaient retirés.

Olfuschs seul demeurait dans le jardin.

— Et moi, feld-maréchal, ne ferai-je rien ?

Le général prussien regarda le major.

— Si, mon brave. Rends-toi au logement de mes chasseurs poméraniens tu m’amèneras Christian Wolf.

— Christian Wolf ?

— Oui, et dépêche, car moi-même, je dois me diriger sur Fleurus.

Le major s’élança pour obéir.

Un lourd silence suivit son départ. Blücher paraissait avoir oublié la présence des frères ennemis. Le comte réfléchissait. Moins aveuglé par la vanité militaire, ayant une perception plus nette de la valeur de Napoléon, le gentilhomme se demandait par suite de quelles déductions, l’Empereur en venait à commettre ce que son adversaire considérait comme une faute.

Espérat de son côté rayonnait.

Le rapport des estafettes lui avait appris que la première partie du plan rêvé par son Maître avait eu un plein succès. Les paroles de Blücher