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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/344

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XV

La maison du bourgmestre


La maison était construite en moellons, couverte de tuiles rouges, les croisées encadrées de pierres blanches, sur lesquelles se détachait en relief méplat une guirlande de fleurs ornementales.

Par un escalier raide, aux marches recouvertes de sparterie, Christian monta à l’étage supérieur et déposa son prisonnier dans un petit salon.

Modeste et prétentieux ce salon, garni de meubles bourgeois d’un vague style empire, avec leurs cuivres façonnés en sphinx, en mufles de lion, en aigles.

Au-dessus de la cheminée, dans un cadre doré, un portrait en pied de jeune fille, blonde et pâle, offrant à manger (Ô goût de l’époque !) à un aiglon enchaîné.

Ridicule était la composition de la peinture, mais étrange, troublante, l’expression de celle que l’artiste avait représentée.

Le regard, mélancolique et rieur, répulsif et attirant, la bouche légèrement entrouverte indiquant également, soit la fin d’une tristesse, soit le début d’une explosion de gaieté, donnaient à la figure un aspect mystérieux, énigmatique et décevant.

C’était une Joconde créée par un peintre inconnu.

Au bas du cadre, sur une plaquette noire bordée d’un liséré d’or, on lisait ces mots :

MARIE-ANNE BOONS
EXIIT. 1814

Ce qui peut se traduire par :

Marie-Anne Boonsx1
Nous quitta en 1814.

Jamais épitaphe ne fut plus douloureuse en sa concision.