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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/39

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proposent de démembrer définitivement la Pologne, de créer un royaume des Pays-Bas, de proclamer la neutralité de la Suisse, de donner à la Prusse des territoires sur la rive gauche du Rhin, d’augmenter le pouvoir de la maison de Sardaigne, d’attribuer le Milanais et la Vénétie à l’Autriche, etc., etc… que sais-je.

« Tout cela en somme me serait indiffèrent[1], si ces mêmes puissances ne songeaient à une alliance offensive et défensive pour une durée de vingt années. Si pareille chose se réalise, c’est un coup terrible pour la France, qui ne pourra chercher au dehors aucune compensation à ses désastres, sans rencontrer le veto de toute l’Europe.

« Ce qu’il faudrait à tout prix, c’est rompre cette entente.

« Or, elle est basée surtout sur la crainte que Napoléon, le roi d’Elbe, inspire encore aux maisons régnantes.

« Si l’on parvenait à décider le Congrès à en finir avec cet épouvantail, soit en transférant sa prison si loin qu’il n’eût plus aucune chance de revenir nous troubler, soit par tout autre moyen, les alliés, n’ayant plus peur, n’écouteraient que la politique de leurs intérêts contradictoires, et le formidable faisceau qui menace la France se désagrégerait de lui-même.

« Mais personne n’ose prendre l’initiative de cette résolution nécessaire.

« Or, Sa Majesté tirerait plus de profit que personne de l’éloignement de son prédécesseur.

« Au point de vue extérieur, cela saute aux yeux. De plus, à l’intérieur, le parti de l’usurpateur, les anciens soldats, les officiers mis en demi solde, n’auraient plus d’encouragement à l’opposition. Donc, force au dehors, tranquillité au dedans.

« Il faut, en conséquence, décider le roi à exprimer ce que tous pensent, c’est-à-dire l’utilité, pour la paix de l’Europe, d’enlever l’homme néfaste de l’île d’Elbe et de le transporter, soit à Malte, soit aux Açores, soit mieux encore à Sainte-Hélène, sous la garde de l’Angleterre.

« Blacas a toute la confiance du roi. S’il le veut, Sa Majesté comprendra bientôt les avantages de ma proposition.

« Il est indispensable que le délai soit court, car les événements se précipitent à Vienne.

« Que l’on se hâte pour ne pas agir trop tard.

  1. Lettre de la collection de M. Dodgoler.