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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/96

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cile, folle. Seul d’Artin triomphe. Ne semble-t-il pas que le malheur frappe sans relâche ceux aux côtés desquels je combats. Il y a des instants où je me demande si je ne suis pas jettatore, comme on dit en Italie. Voilà pourquoi je tremble à cette heure.

Le pitre serra vigoureusement la main de son interlocuteur. Son joyeux visage exprimait l’émotion. Cependant ce fut avec des inflexions de voix burlesques, empruntées aux parades des tréteaux, qu’il reprit :

— Mon vieux, la bouche doit s’ouvrir seulement pour manger ou pour rire ; donc ferme à double tour et laisse-moi parler. Espérat a reçu ma lettre, il a demandé à être conduit en ce jour chez M. Tillois. Sa requête a été favorablement accueillie. Ergo, il passera ici dans la journée, et le reste nous regarde.

Avant que le frère adoptif de Milhuitcent eût formulé de nouvelles objections, un homme, couvert d’un ample manteau, les cheveux et la barbe rouges encadrant une face de type cosaque, parut sur les degrés de l’église.

— Tiens, voilà Ivan Platzov, murmura Bobèche.

Le pope, c’était bien lui, mit la main au-dessus de ses yeux pour les protéger contre la lumière crue du jour, parut chercher un instant, puis se dirigea vers les deux causeurs.

— Eh bien ? questionnèrent ceux-ci d’une seule voix.

Dominus est gladium meum, répondit le russe d’une voix sonore, le Seigneur est mon glaive.

Mais baissant la voix :

— Je viens de voir le curé de Saint-Roch, Spes fidei, rempart de la foi.

— Qu’a-t-il dit ?