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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/152

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Exaspéré, je me mets à l’eau, je veux aller à eux leur faire comprendre que nous crevons de faim, mais il y a trop d’herbes, on ne peut nager, et trop de fond, on n’a pas pied.

Ma tentative n’a eu pour résultat que d’éloigner les guides.

À six heures du soir nous avons fait mille trois cent cinquante mètres.

Même nuit qu’hier, il n’y a plus un gramme de vivres à bord.

Le 6, nous repartons.

Qu’allons-nous devenir ? Pas un oiseau ne se montre.

À cinq heures du soir, nous entrons dans une succession de mares couvertes de nénuphars. Nous en arrachons des racines et les dévorons.

De loin les Djinquis nous fout signe que c’est parfait.

Je les tuerais, ces gens-là !

Tu me diras : mais ces Djinquis, où sont leurs villages ?

Il n’y en a pas.

Dès qu’un coin de terre émerge de l’eau, ils construisent une hutte cachée au milieu des herbes, pendant la saison sèche, et rentrent à l’intérieur des terres lorsque les crues commencent.

Donc, le 6, au soir, nous sommes au milieu des mares ; il n’y a même plus le plancher d’herbes des autres jours, nous couchons dans le boat, accroupis sur nos caisses.

Le 7 au matin, nous parvenons à approcher des Djinquis. Je leur montre que nous mourons de faim ; ils se décident à nous déposer sur l’eau un peu de poisson sec ; il y en a bien six rations.

À trois heures les hommes sont fourbus, il faut s’arrêter.

J’ai remarqué, en passant, un banc de sable sur la gauche du chenal, à trois kilomètres en arrière ; nous y revenons et faisons provision de nénuphars.

Le 7, dans la nuit, un homme est pris d’un accès de fièvre très violent, avec coma.

C’est la faim et la fatigue.

Je lui fais une injection de quinine ; j’ai juste deux grammes de bromhydrate et Landeroin, cinq de sulfate.

Fasse le ciel que nous n’ayons pas besoin de plus !

Le 8, je suis obligé de laisser les hommes se reposer sur ce banc sec.