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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/181

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Et quand retentit le commandement :

— Rompez vos rangs.

Il y eut comme une explosion.

L’enthousiasme, bâillonné jusque-là par là discipline militaire, déborda en acclamations frénétiques, auxquelles, les Fachodanais, désormais apprivoisés, répondirent sans bien comprendre peut-être ce qui se passait, mais avec le désir évident de faire beaucoup de bruit.

Ce soir-là, le commandant Marchand accepta à dîner chez le cheik Ra-Moeh.

Le repas fut aussi bon qu’il peut l’être dans une maison arabe.

Des jeunes femmes du pays, réputées pour leur talent de danseuses, avaient été conviées à réjouir les yeux de l’hôte du cheik.

Elles exécutèrent des danses, parfois grotesques et lourdes comme les bourrées nègres en usage sur le Haut-Nil, mais parfois aussi gracieuses et poétiques comme le pas de l’écharpe ou la marche de l’Ibis exécutées : la première, par deux personnes, la seconde par six.

Aussi, quand le commandant Marchand quitta son hôte, il était d’excellente humeur.

Il se voyait parvenu au terme de son long et périlleux voyage.

Sans combat, il occupait Fachoda, où le ravitaillement de ses soldats se ferait aisément.

En attendant les ordres du gouvernement français qu’il allait informer de son succès, tous se reposeraient de leurs fatigues, se « referaient » de leur mieux.

Or, à ce moment même, le cheik Ra-Moeh appelait auprès de lui un jeune homme du nom d’Embe, qui lui servait de secrétaire.

Âgé de seize ans, le teint cuivré, ce nouveau personnage était originaire de la Haute-Égypte.

Sa face maigre, ses yeux aux regards fuyants, indiquaient la ruse, la dissimulation.

Embe avait un ascendant considérable sur l’esprit du cheik, qui ne manquait jamais de le consulter quand il était embarrassé.

Il se présenta donc devant lui.

— Embe, commença Ra-Moeh, on ne t’a pas vu ce soir.