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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/204

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En attendant, l’enthousiasme de tout le monde allait crissant.

Et pour mettre le comble à la satisfaction générale, le 29 août, à trois heures du soir, on signalait au loin le Faidherbe et les chalands.

Guidés par Germain, les bateaux lourds avaient pu, à leur tour, sortir des marais du Bahr-el-Ghazal et atteindre le Nil.

C’était le dernier bonheur de ceux qui, depuis trois ans, avaient lutté incessamment pour la fortune, pour l’honneur de la Patrie française.

En tout cas, la présence de la flottille consolidait la situation.

Elle apportait des munitions en abondance, ce qui, chacun s’en rendra compte, est la denrée de première nécessité pour une troupe isolée qui n’a à espérer aucun secours, aucun renfort, et ne doit compter que sur ses propres ressources.

La réception fut des plus chaleureuses.

Officiers, soldats s’embrassaient, se complimentaient.

Et il y avait bien de quoi.

Un instant, Marchand avait craint que les embarcations, laissées en arrière avec Germain, ne réussissent pas à sortir des barrages herbeux du Bahr-el-Ghazal.

Ces lignes, empruntées à une correspondance de Germain, prouvent que ces appréhensions n’étaient pas dénuées de fondement.

Elles démontrent aussi le merveilleux entrain qui animait tout le monde.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Je t’informe donc que, le 29 août, je suis arrivé à Fachoda, après une traversée de quarante-deux jours depuis Fort-Desaix.

« Nous avons mis 22 jours pour traverser 30 kilomètres de marais — un océan d’herbes et de boue ; 22 jours, pendant lesquels il est tombé 19 tornades, 22 jours que moi et mes tirailleurs nous avons passés dans la vase jusqu’aux épaules, piqués par les fourmis rouges, mordus au sang par les sangsues, enlevant à pleins bras la vase putride et les herbes accumulées dans le chenal. Un travail de Romains ! La nuit, couchant empilés dans les pirogues, littéralement dévorés par des moustiques géants et transis de froid sous les violentes tornades.