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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/236

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— Pas de Fachoda, j’imagine.

— Et que, acheva le sirdar sans tenir compte de l’interruption, je devrais considérer la présence de vos troupes à Fachoda et dans la vallée du Nil, comme une violation directe des droits de l’Égypte et de la Grande-Bretagne.

— C’est une façon d’envisager les choses, déclara philosophiquement le chef de la mission Congo-Nil.

Le sirdar serra les lèvres et lentement :

— D’après mes instructions, je dois protester dans les termes les plus énergiques contre l’occupation de Fachoda et le déploiement du drapeau français dans les États du Khédive.

— Et moi, reprit Marchand sans se départir de son calme, j’ai obéi aux instructions précises de mon gouvernement ; j’ai occupé Fachoda et le Bahr-el-Ghazal. Soldat, j’ai rempli la mission dont on m’avait chargé ; il me faut donc attendre les ordres de mon gouvernement pour toute action ou tout mouvement ultérieurs.

Cette déclaration si loyale aurait dû mettre fin à l’entretien.

Devant l’affirmation de l’officier français, le sirdar n’avait qu’à s’incliner et à faciliter à son adversaire les moyens de communiquer avec son gouvernement.

Mais il entrait dans la tactique britannique de placer la France en face du fait accompli.

Aussi Kitchener renoua l’entretien.

— Vous, êtes soldat comme moi, commandant. Vous exécutez les ordres à vous donnés, c’est fort bien. Vous ne sauriez donc trouver mauvais que, moi aussi, je conforme mes actes aux prescriptions de l’Amirauté.

À cette question insidieuse, Marchand tressaillit.

Il comprit que son ennemi allait démasquer ses batteries, qu’il allait faire valoir la raison du plus fort, mais sa sérénité n’en fut pas diminuée.

— Puis-je connaître ces prescriptions, général ?

Il ne disait plus comme tout à l’heure « mon général », le « mon », pronom courtois, n’était déjà plus de mise.

— Je vais vous les communiquer, reprit froidement le sirdar.

Et du ton cassant qui paraissait lui être habituel :