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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/89

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Il voyait les nègres brandir les têtes sanglantes.

Et il souffrait.

Le chef, sans peur pour lui-même, tremblait pour ses soldats.

Les tirailleurs savaient bien son affection pour eux. Ne l’avaient-ils pas appelé : le grand-père blanc.

Soudain un frisson parcourut toute la ligne.

Les buissons de la forêt venaient de s’ouvrir, éventrés par un élan irrésistible, et la patrouille bondissait en terrain découvert.

On comptait les soldats.

Les dix hommes partis le matin revenaient à toutes jambes.

Aucun n’était tombé au pouvoir de l’ennemi.

Un cri de triomphe s’éleva du retranchement, redoublant la vigueur de ceux qui rentraient.

Mais presque aussitôt un murmure attristé lui succéda.

Une volée de flèches, comme une bande d’oiseaux siffleurs, avait jailli des profondeurs du bois.

L’un des tirailleurs, traversé de part en part, avait lâché son fusil. Les bras étendus, chancelant, emporté par la vitesse acquise, il avait encore fait quelques pas.

Puis il s’était affalé, la face contre terre.

Mais, plus prompts que l’éclair, ses compagnons se retournent.

Ils font un feu de salve sur le bois, où la présence des poursuivants ne se décèle que par l’agitation des feuillages.

Deux d’entre eux jettent leurs fusils en bandoulière.

Ils relèvent le blessé.

Au pas de course ils l’emportent, tandis que, par un tir nourri, leurs camarades couvrent la retraite.

Tous rentrent au fort.

Marchand est debout près de la porte.

Il les reçoit, serre la main au sergent qui commande la petite troupe.

— Très bien, sergent, je suis content de vous. Vous avez bien combattu tout en restant ménager du sang de vos hommes. C’est en réunissant ces deux choses que l’on devient un bon officier.

Le gradé rougit, balbutie une phrase embarrassée.

— C’est tout naturel, mon commandant.