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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/194

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dans les narines, la bouche des voyageurs, desséchant les muqueuses, infligeant aux hommes et aux animaux la torture de la soif ardente.

Personne ne se plaignait pourtant.

Dolorès Pacheco, droite en selle, indifférente en apparence à la fatigue, les yeux obstinément fixés vers l’est, comme si un invisible aimant attirait ses regards de ce côté, entraînait ses compagnons par son exemple.

Cigale et Rosales avaient pour Coëllo des prévenances qui ne surprenaient aucun de leurs compagnons.

Le déguisement de Vera avait été deviné par tous, et souvent le faux domestique trouvait à l’étape une hutte d’herbes entrelacées, ouvrage des Mayos envoyés en éclaireurs devant la caravane.

Elle était courageuse du reste, la gentille Vera. Elle avait maigri un peu. Son visage délicat s’était hâlé, mais sa bouche rose souriait, ce qui remplissait de fierté Fabian Rosales.

— La brave enfant ! disait parfois l’hacendado à Cigale. Pour un peu, je la prendrais dans mes bras.

— N’en faites rien, señor, répondait le Parisien. Une part de son courage lui vient de son déguisement. C’est pour le soutenir qu’elle trouve la volonté de ne pas se plaindre. Apprenez-lui que tous connaissent son identité, elle redeviendra femme et perdra toute sa vaillance.

— Pourtant la doña Mestiza…

— Oh ! celle-là, señor est une exception. Une jeune fille qui voue sa vie à l’émancipation d’une race est une héroïne, partant une exception.

— Vous l’admirez profondément ?

— Oui, señor, je ne suis pas éloigné d’imiter nos Indiens qui l’appellent, non pas la Doña, mais la Madona mexicana.

Cependant, chaque jour, les visages s’assombrissaient. Des indices nombreux indiquaient que bientôt les périls venant des hommes s’ajouteraient aux difficultés naturelles.

Les Mayos, qui remplissaient le rôle d’éclaireurs, annonçaient que de nombreuses tracés d’Indiens sillonnaient le désert.

Des partis de Peaux-Rouges avaient suivi, souvent à quelques heures d’intervalle seulement, des routes, parallèles à celles de la troupe de la Mestiza.