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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/202

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Enfin Gairon arma sa carabine et d’un ton pénétré :

— Si je me trompe, que la miséricorde divine soit sur moi, car je crois bien faire, et mon intérêt ne me guide pas.

Sans un mot, Pierre apprêta également son arme.

Ces deux hommes qui, mus par un respect religieux de la parole engagée, allaient provoquer la haine des plus cruels ennemis de la race blanche, revêtaient une sauvage grandeur.

Lentement, Francis épaula. Pas un frisson n’agitait son corps athlétique. Lui qui naguère semblait près de succomber à l’angoisse morale, recouvrait ses précieuses qualités de sang-froid, de décision, en présence du danger matériel.

La détonation résonna, roula sur la plaine, enflée par les échos, et le factionnaire comanche, frappé en plein front, s’abattit lourdement la face contre terre.

Au bruit, tous les Peaux-Rouges avaient bondi sur leurs pieds.

Mais une seconde explosion retentit, et l’un des guerriers s’affaissa. Au même instant les deux chasseurs se dressaient au sommet de l’éminence. Se tenant par la main, ils lancèrent un cri prolongé aux modulations bizarres.

Selon la coutume de la prairie, ils se désignaient à leurs adversaires par leur cri de guerre.

— La Main-Sûre !… l’Ombre !…

Ces noms éclatèrent, rugis par vingt voix. Comme une volée d’oiseaux troublés par un chasseur, les Comanches bondirent dans le taillis et disparurent, laissant leurs morts sur le terrain.

— Regagnons le camp, dit alors Francis. C’est la vermine rouge qui maintenant suivra notre piste.

À grandes enjambées, ils dévalèrent la ponte du monticule, traversèrent la cité des chiens et reprirent le chemin du campement.

La journée était avancée, lorsqu’ils rejoignirent leurs compagnons. Déjà la caravane se préparait au départ.

— Eh bien, mes amis ? interrogea Dolorès.

Avec effort, Francis répondit :

— Nous n’avons rien vu.