Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/232

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Il est inutile d’attirer de ce côté l’attention des diables rouges.

— Ils ignoreront, je vous le promets. Demain, seulement…

— C’est cela, demain.

Sur ce, le Canadien retourna à l’endroit où il reposait quelques minutes plus tôt.

Pierre l’y attendait.

— Est-ce fait ? demanda l’engagé.

— Oui.

— Alors, chef, vous partirez ?

— La nuit prochaine.

— Et la doña ne s’est doutée de rien ?

— De rien.

— Tant mieux ! nous n’avons pas l’habitude de mentir comme les gens des villes, nous autres, et je craignais que notre histoire, malgré la peine que nous avons eue à l’inventer, ne lui parût louche.

— Rassure-toi, Pierre. La pauvre enfant ne songe pas à nous suspecter.

Pris d’une colère soudaine, il gronda :

— Elle a confiance en moi, en nous. Et nous mentons, nous trompons la plus noble des créatures ! Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux se loger une balle dans le crâne ?

Plus philosophe, Pierre l’interrompit tranquillement :

— Cependant, vous allez la sauver.

— Après l’avoir mise en danger.

— Pour ne pas la trahir, chef.

Et comme Francis s’entêtait à s’accuser.

— Au surplus, conclut l’engagé, il est impossible de vous faire sauter la tête en ce moment.

— Parce que ?…

— Parce que, sans tête, il vous serait interdit de descendre sur la corniche du Renard Sanglant et d’aller quérir du renfort.

L’argument, on en conviendra, était sans réplique. Aussi Gairon garda le silence.

La journée s’écoula comme les précédentes.

Rosales, le faux Coëllo, Cigale, le Puma, les Mayos erraient d’un air ennuyé sur le plateau, lançant des regards courroucés aux assiégeants qui continuaient imperturbablement leur blocus.

De temps à autre, un des compagnons de Dolorès leur montrait le poing.