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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/35

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À cette heure encore, s’ils déploraient de se rencontrer avec Scipion, que leur habileté professionnelle à la carabine leur faisait considérer comme mort, il ne leur venait pas à l’idée d’éviter cette sanglante solution.

Cependant ils hésitaient à trahir leur présence. Pour sortir de cette situation embarrassante, Francis toussa fortement.

Au bruit, Massiliague dressa la tête, aperçut ses adversaires et se levant d’un bond, sans lâcher son cigare :

— Salut, messieurs, dit-il avec une inclination un peu théâtrale. Salut, je vous attendais. Nous commencerons la partie quand il vous plaira.

Par ma foi, les duellistes du Pré-au-Clercs, de la place des Vosges, chevau-légers ou mousquetaires, n’auraient désavoué ni l’attitude, ni l’intonation du Marseillais.

Francis fut frappé de l’insouciance de ce jeune homme qui, selon toute apparence, allait mourir, et sa voix s’adoucit pour répondre :

— Oh ! monsieur, je ne suis que le deuxième de vos adversaires ; permettez-moi donc de mettre à votre disposition mes témoins, car vous me semblez n’en pas avoir.

Il désignait quatre personnages qui avaient fait halte à quelques pas de lui et de son engagé.

Scipion salua derechef :

— J’accepte volontiers, d’autant plus que, vu ma popularité dans la population, il m’eût été impossible, vé, de réclamer l’assistance de deux citoyens mexicanos sans ameuter le peuple.

Gairon s’adressant alors aux témoins :

— Messieurs, vous voudrez bien prendre en mains les intérêts du señor Massiliague ; à dater de ce moment, vous êtes les directeurs du combat.

Le quatuor se forma en cercle et entra en conférence, tandis que les adversaires chargeaient soigneusement leurs carabines.

À ce moment, un des buissons répandus autour de la clairière s’agita doucement bien qu’il n’y eût pas de vent. Les branches furent écartées avec précaution, démasquant le visage de Joë Sullivan.

L’Américain, fixa un regard ardent sur Scipion. Il murmura :

— Moi aussi j’ai mon fusil. Pierre ne se doute