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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/388

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— J’ai cent dollars sur la langue, fit gaiement l’aubergiste. Cela empêche de bavarder.

Dix minutes plus tard, les six voyageurs, installés dans la chambre du tambero, déchiquetaient des poulets qui venaient de leur être servis.

Ils mangeaient en silence, tournant fréquemment les yeux vers la fenêtre donnant sur la cour et prêtant l’oreille au moindre bruit.

— Toujours rien, murmura le chef.

— Non, monsieur Sullivan, répondit son voisin. Ils ne peuvent encore être ici. Nous avions près de deux heures d’avance.

— C’est vrai, mais l’attente m’impatiente, Bell.

— Il ne faut pas, monsieur Sullivan. Jamais nous n’avons joué la partie avec de pareils atouts en main.

— Tu trouves ?

— Oui, monsieur. Vous-même devez être de mon avis.

— Peuh !

— Sur le territoire des États-Unis, ils se défiaient de tout ; mais depuis qu’ils ont passé la frontière, franchi le Rio Grande del Norte, ils doivent se croire en sûreté.

— Ah ! si j’en étais sûr !

L’agent nordiste avait prononcé ces paroles, les dents serrées. On sentait sourdre dans son accent une inquiétude nerveuse dont il n’était pas maître.

Son complice Bell se rapprocha de lui.

— Monsieur Sullivan, dit-il en baissant la voix, veuillez raisonner.

— Parle.

— Une fois en territoire mexicain, la Mestiza, que le diable emporte, et ses amis pensent être plus en sûreté que sur le territoire de l’Union.

— Sans doute. Seulement, ils savent l’importance que nous attachons au Gorgerin d’Alliance, et comme ils ne sont pas bêtes…

— Vous allez affirmer que, jusqu’à Mexico, ils continueront à avoir méfiance de tout.

— C’est ma pensée.

Malgré son respect pour son maître, Bell haussa les épaules.

— Bell ! gronda sévèrement Joë.

— Que Monsieur me pardonne, murmura le laquais en baissant hypocritement les yeux. Je n’ai pas été