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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/67

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France se trouvait envahi par les armées saxonnes des rois d’Angleterre ; aujourd’hui l’Amérique latine subissait l’oppression des financiers de l’Amérique saxonne.

Conquête par le fer ou conquête par l’or amènent mêmes tristesses, mêmes angoisses, mêmes révoltes.

Et dans les deux cas, c’était une jeune fille qui jetait au monde le cri d’indépendance. La Mestiza pourtant n’était dirigée que par le souvenir ancestral des Incas, des Atzecs…

— Alors, reprit Vera, heureuse du silence de sa sœur… Alors, je te parais moins insensée que tout à l’heure.

— Oui et non.

— Qu’entends-tu par là ?

— Que la Mestiza a le don de lire dans les cœurs, que le señor Massiliague est, par le fait seul qu’elle l’a choisi, digne de mener à bien son entreprise.

— À la bonne heure.

— Mais que la fille d’un hacendado, fût-il plus noble, plus riche encore que notre père, serait audacieuse d’espérer s’unir à un tel héros.

Vera tressaillit ; son visage se décolora… ces signes de découragement s’effacèrent du reste promptement.

— Cela, dit-elle sentencieusement, cela c’est autre chose. Je ne partage point ton avis, Inès. Souviens-toi du romancero que nous chantions naguère.

Elle murmura en sourdine :

xxRose, ne dresse point ta corolle orgueilleuse,
xxNe crois pas être seule à séduire les yeux
xxxxxxDu souverain majestueux,
xxxxxxDe la princesse gracieuse.
Tout chef-d’œuvre divin, la plus humble fleurette,
xxxxxxÉclose au coin d’un bois,
xxPeut fixer les regards et couronner la tête
xxxxxxxxxxxDes rois.

Inès se prit à rire.

— Folle, fit-elle doucement.

— Folle, si tu veux, s’écria sa sœur. Seulement tu as ri, donc tu ne gronderas plus, et tu me permettras de mettre mon idée à exécution.

— Quelle idée ?

— Que fait une jeune fille de notre province lorsqu’elle désire un caballero comme époux ?