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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/203

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

C’est un pays admirable.

Boisé, largement arrosé, il est l’échelon intermédiaire entre les plaines à céréales du Manitoba et les hautes dénivellations des Montagnes Rocheuses.

Des hauteurs moyennes, des cours d’eau capricieux, des lacs, des forêts, lui constituent une physionomie à la fois sauvage, riante et pittoresque. Et pour brocher sur le tout, en cette contrée où l’invasion des colons n’a pas encore fait disparaître l’aspect primitif du sol, de nombreux Indiens parcourent les territoires de chasse ou le sentier de la guerre.

Ce sont les Kris de la prairie, qui errent plus spécialement dans la région septentrionale, et dont les hardis chasseurs, se lançant à travers les plaines marécageuses où s’égrènent les lacs Caribos, aux Oies, des Bouleaux, de la Plonge, Montrevil, Chandelle, Doré, du Bœuf, Athabasca, Nosi, etc., mènent leur course aventureuse jusqu’aux montagnes lointaines des Ours-Gris et des Caribous, se détachant comme des ailes de la puissante ossature des Montagnes Rocheuses.

Ce sont les Sioux, ces guerriers indomptables, dont les dernières tribus ont trouvé asile sur la terre canadienne, plus hospitalière aux vaincus que les territoires yankees. Les pourtours des lacs Winnipeg et Manitoba constituent leur habitat de prédilection.

Au sud enfin, on rencontre des races abâtardies, ayant renoncé à jamais à la lutte contre la civilisation, envahissante : Corbeaux, Piégans, Pieds-Noirs, Gros-Ventres, mènent là une existence misérable.

Domestiques, valets de ferme, ouvriers agricoles, ils travaillent, taciturnes, sombres, résignés, semblant tout le jour attendre l’heure du soir où ils pourront s’abandonner à une hideuse et unique passion : l’eau-de-feu !

L’eau-de-feu, que par euphémisme nous avons appelée l’eau-de-vie, a en effet amené la ruine morale des vaillants hommes rouges dont le cri de guerre éveillait autrefois les échos de la prairie. Aujourd’hui, elle achève son œuvre destructive en conduisant à la phtisie les derniers survivants d’une race qui fut grande.

Or, un mois environ après l’arrivée du Canadian en vue de la côte du Dominion, une animation inaccoutumée se produisait à la scierie de Snoll-Gate, sise dans l’isthme resserré entre la rive orientale du lac Sullivan et le gouffre d’où jaillit, impétueuse, la rivière Saskatchewan du Sud, laquelle se fond, à 600 mètres de là, avec sa sœur du Nord, pour aller se perdre de compagnie dans le lac Winnipeg.

L’horizon, à quelques centaines de mètres de la scierie, était borné