Aller au contenu

Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Mais à présent il était faible, car sa tendresse pour Laura avait grandi, en raison directe du temps consacré à la contempler.

Oh ! cette tendresse !

À bord du Canadian, ce n’était qu’une étincelle brillant sous la cendre ; à présent, c’était un incendie, que toutes les pompes du monde eussent été impuissantes à éteindre.

Et Tiennette qui s’en rendait bien compte, répondait invariablement aux récriminations du jeune homme :

— La question n’est pas là.

— Où est-elle donc ?

— Ici. Miss Laura vous plaît-elle, oui ou non ?

— Oui, mille fois oui, seulement sa fortune…

— Seriez-vous heureux de l’avoir pour femme ?

— Cent mille fois oui, mais c’est impossible ; le jour où je lui dirai que je ne suis pas prince…

— Béniriez-vous celui qui rendrait votre bonheur impossible ?

— Un million de fois non… je l’étranglerais.

— Alors, gardez le silence, pour ne pas être astreint à vous étrangler vous-même.

Le moyen de répondre à cela.

Évidemment… s’il avouait la supercherie où l’avaient jeté les circonstances, bien indépendantes de sa volonté, il ne se faisait aucune illusion. Ses hôtes, seraient blessés et cesseraient de le considérer comme un monsieur d’une essence particulièrement vénérable.

Oui, mais enfin, cette situation douteuse ne pouvait se prolonger indéfiniment.

Voilà ce qu’il exprimait, un matin, devant ses amis, Kozets, Mariole et Tiennette, qu’il avait rejoint sur une terrasse, bordée d’un balcon de marbre, du haut de laquelle on apercevait, à perte de vue, les champs, prés, bois de la propriété.

L’agent russe, revenu à Swift-Current, après un voyage de peu de durée durant lequel il avait suivi Dodekhan au lac Sullivan, écoutait avec un vague sourire.

— Écoutez, expliqua Tiennette, je suis très amie de Laura.

— Oui, persifla Prince, comme générale comtesse !…

— Je vous l’accorde ; mais sous ce titre baroque, j’obtiens toute sa confiance. Or, elle ne parle que de vous.

— De moi, ma chère Tiennette, vous plaisantez…