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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/346

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LE PRINCE VIRGULE.

— En ce qui vous concerne ?

Puis, se frappant le front :

— En vérité, je fais comme Dick le sacristain… j’ai affaire au presbytère, et je me rends au moulin[1] ; mais quand j’entame le chapitre de mon Josué, je rajeunis de dix ans et je ne sais plus m’arrêter. C’est que c’est un fier homme, mon Josué.

— Devons-nous nous préparer à être arrêtés à son retour, qui ne saurait tarder ? gronda l’ex-Indien.

— Qui vous parle de cela ?

— C’est une question que je pose, mistress.

— Mais pas du tout.

— Vous consentez à nous cacher ?

— Je ne vous l’ai pas dit ?

— Non, mille fois non.

— En ce cas, je répare cette omission… Tenez, de l’autre côté de l’escalier est la chambre de ma pauvre sœur Mary. Josué l’aimait beaucoup, à tel point qu’il disait que, s’il ne m’avait pas obtenue en mariage, il aurait épousé Mary. Or, ma sœur est allée s’installer à Chicago et sa chambre est restée. Et nous ne l’ouvrons jamais, parce que cela nous attriste de voir toutes ces chères choses dont elle usait quand elle vivait en notre société. Vous vous tiendrez là. Je passerai à la jeune demoiselle une robe de moi, un mantelet, un chapeau. Vous me renverrez le tout aussitôt en sûreté et…

— Ah ! mistress, vous êtes la meilleure des femmes.

Laura, pleine de gratitude pour Arabella qui, nonobstant son flux énervant de paroles, montrait une âme serviable et compatissante, se leva, courut à son hôtesse, et, lui jetant les bras autour du cou, appliqua de bons baisers sur ses joues rondes et fraîches, en bredouillant :

— Merci, merci. Je n’oublierai jamais… J’espère que vous aussi aurez lieu de vous réjouir de notre rencontre.

— Tonnerre !

Ce juron militaire crépita dans le parloir comme un éclatement de grenade.

Tous se dressèrent, comme si un même ressort les avait actionnés.

Laura s’éloigna vivement d’Arabella.

— Tonnerre ! mon épouse dans les bras d’un simple policeman.

Quelle terrible voix claironnante que celle qui lançait ces mots !

Le lieutenant Josué Soda était sur le seuil, la moustache hérissée, les yeux fulgurants, les mains crispées en poings menaçants.

  1. Dicton populaire américain.