Aller au contenu

Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
LE PRINCE VIRGULE.

— Tu l’as dit, Meg de mon cœur.

— Les frères Fournier, fournisseurs assermentés de la police.

— C’est cela même.

Elle fit la moue :

— Rien que des légumes ?

— Oh ! Meg, être végétarien, voilà la sagesse. Les légumes sont ce qui convient le mieux à la fraîcheur du teint.

— C’est égal…

— Néanmoins, comme il ne faut pas être végétarien intransigeant, j’ai chargé mon jeune cousin Ned, pendant que j’opérerais ici, d’emprunter un jambon et quelques saucisses à ce charcutier…

Meg baissa les yeux pour dire :

— Qui me regarde toujours de si cavalière façon ?

— Justement… Je le hais cet audacieux, et je l’ai frappé d’un impôt pour le punir de son manque de tact, de son absence de galanterie… Ma parole, ces faquins de commerçants ne se doutent point de ce qu’ils doivent à une lady.

— Cher Peg !

— Meg plus chère encore.

— Et les frères Fournier ?

— Ah ! Meg, mon estomac pleure de voir geindre le tien ; mais qui veut triompher ménage sa monture ; deux serrures de sûreté valent mieux qu’une ; et le pas pour l’action, et le trot pour la fuite, sont les allures conseillées par la sapience des nations… L’instant favorable à mon opération m’apparaît être celui du déjeuner.

— Encore attendre !

— Pour mieux sauter, ma Meg embaumée. Ces êtres matériels, sans rêve, s’empiffrent goulûment de nourriture. Préoccupés d’ouvrir la bouche, ils ferment les yeux, et nous qui passons, agents incompris de la justice distributive, mettrons à profit cette apothéose bestiale de la déglutition, ce mépris stupide de la vision.

Les yeux de la chiffonnière luisaient ainsi que des escarboucles.

Ils se fixaient sur les frères Fournier, de si avide, de si inquiétante façon, que Peg craignit une imprudence, et qu’avec ce ton de charmante galanterie dont il ne se départait jamais :

— Ma mie, allons faire un tour.

— Pourquoi ?

— Parce qu’un physique comme le tien se remarque. Vois-tu que l’un de