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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/458

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LE PRINCE VIRGULE.

Et il rejoint ses hommes, pensif, pénétré de ce respect frissonnant qu’inspire le malheur.

Les Nippons, à son ordre, posent l’arme au pied, et ils demeurent immobiles, les yeux fixés sur cette cabane de bois, où sont enfermés, ainsi qu’en une souricière, les rares survivants de la garnison d’Aousa.

Pourtant, leurs visages n’expriment pas la joie du triomphe.

Pour le combattant, après l’écrasement d’un adversaire trop inégal en nombre, il reste une tristesse. Le succès laisse une amertume, car l’héroïsme, le droit à la gloire appartiennent aux vaincus.

Cela, en leurs cerveaux frustes, les petits soldats jaunes le sentent confusément.

Certes, ils ont remporté la victoire. Aousa, le dernier point occupé par les Russes, est maintenant en leur pouvoir. Sakhaline, cette île qui prolonge, au nord, l’archipel du Japon, va faire retour à l’Empire du Soleil Levant.

Oui, mais on a combattu cinq mille contre cinq cents, et dans chaque mort rencontré sur leur route offensive, les Nippons ont cru voir un témoin de la courageuse obstination russe, un témoin de ce qu’ils appellent, eux, tout bas, leur lâcheté.

Cela est ainsi. Ces soldats jaunes, à la bravoure indomptable, sont froissés d’avoir été envoyés si nombreux contre un ennemi ne pouvant mettre en ligne que des effectifs restreints.

Il y a là un sentiment chevaleresque, inexprimé peut-être, mais ressenti par ces représentants d’une jeune et ardente armée, que la campagne de Mandchourie vient de révéler au monde.

De là, le désir d’épargner la poignée de braves qui survivent.

De là, la démarche du chef de la première ligne ; démarche que tous ont approuvée, qui leur a été comme une douceur.

Maintenant ils attendent, les regards anxieusement fixés sur la cabane.

Pourvu que les Russes ne s’entêtent pas à une défense inutile.

À l’intérieur de la chaumière, un drame se déroule.

Mona a poussé un cri de joie, lors de la proposition de l’officier nippon.

Elle a tiré son père en avant, lui disant d’une voix entrecoupée par l’émotion :

— Un armistice, père, je vous sauverai tous.

Et Labianov a demandé quinze minutes.

Cependant Mona a glissé sa main dans son corsage. Dans la doublure elle a ménagé une petite pochette, où elle gardait précieusement le laissez-passer que lui remit naguère Dodekhan.