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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/469

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Qui, lui ? interrogea le général.

— Douze, fit-elle, Douze ; le forçat 12.

— Que dis-tu ?

Le gouverneur regarda à son tour. Il reconnut celui qui, au milieu de son pénitencier, de ses soldats, l’avait bravé, avait osé ce pari audacieux de s’évader malgré toutes les précautions prises, et de revenir, au bout de six mois, pour le délivrer lui-même.

À ses oreilles résonnèrent soudain les paroles de l’étrange personnage :

— Pariez sans crainte. Je serai discret ; je parie une discrétion.

Cependant, il fallait prendre une décision. Le parlementaire, parvenu à vingt mètres de la chaumière, avait fait halte, et un fifre modulait une sonnerie.

Brusquement Labianov se décida.

Il ouvrit la porte et s’avança vers le parlementaire.

Celui-ci fit un geste, et à la profonde stupéfaction du gouverneur, il vit s’approcher un homme, qu’à ses insignes il reconnut pour le général même des forces japonaises opérant contre Sakhaline.

Que signifiait cela ? Que lui voulait-on ?

Son attente ne fut pas longue.

Le Commandant suprême des Nippons le joignit et dignement :

— Général, je salue en vous le courage malheureux. Vous serez libre de vous retirer, après signature de la capitulation, avec armes, étendards et bagages.

— Comment cela ? S. M. le Mikado n’avait-il pas interdit… ?

— Si… mais celui-ci le veut ainsi.

Il montrait, avec un respect évident, l’ancien forçat n° 12.

— Celui-ci, répéta Stanislas avec un étonnement bien compréhensible. Quel est-il donc ?

— Il est le Maître du Drapeau Bleu.

Et sans permettre à son interlocuteur de le questionner davantage :

— Je fais préparer le traité… Dans une heure nous le signerons, général ; après quoi, vous et les vôtres serez libres.

Tellement étonné qu’il ne put prononcer une parole, Labianov restait là, regardant le Nippon qui regagnait les lignes occupées par ses soldats.

À ce moment, la voix de Dodekhan se fit entendre :

— Général Labianov, estimez-vous que j’aie gagné mon pari ?

— Votre pari, grommela le Russe rappelé à lui-même… Ah ! oui… Vous évader et revenir après six mois pour me délivrer… Parbleu ! À moins de se plaire à mentir, il faut reconnaître que vous avez gagné.