Tout près de son oreille, une voix rieuse avait murmuré :
— J’aurais préféré ne sortir de ma cachette qu’une fois parvenu à Khabarovsk ; mais, véritablement, je ne pouvais pas vous laisser mordre par ces vilains animaux !
Elle promena autour d’elle un regard ahuri.
D’où venait cette voix. Elle n’apercevait personne.
Mais l’organe continua :
— Dans la peau de phoque, mademoiselle Mona.
Elle leva la tête.
L’extrémité du cylindre aux fourrures s’était épanouie comme le calice d’une fleur, et à l’ouverture se montrait la physionomie de Dodekhan, l’étrange et mystérieux prisonnier n° 12 du bagne de Sakhaline.
— Vous ?
— Moi-même, mademoiselle, qui vous supplie de ne pas trahir mon voyage incognito.
Elle protesta du geste :
— Vous venez de me sauver la vie.
Et avec une inflexion très douce.
— Un forçat de moins, cela ne fera guère faute à l’Empereur. Tandis que mon père, lui, n’a qu’une fille — avec une émotion reconnaissante elle conclut — que vous lui avez conservée.
Il murmura :
— Merci.
Puis hâtivement, comme pour masquer un trouble intérieur :
— Je vais disparaître. Ne vous occupez pas de moi. À Khabarovsk, je cesserai de faire partie de votre bagage.
— À Khabarovsk ?
— Oui… oubliez-moi… bonsoir, mademoiselle.
Déjà Dodekhan ramenait sur lui les pliures de l’enveloppe. Mona l’arrêta :
— Un instant.
— À vos ordres.
— Puisque je ne veux pas vous dénoncer, comment expliquerai-je la mort des deux loups ?…
— Oh ! vous tirez au pistolet… fort adroitement même, à ce que l’on dit.
— C’est vrai… mais je déteste me vanter.
Il la considéra avec un doux sourire :
— C’est gentil ce que vous venez de dire là, mademoiselle.