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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/94

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Oh ! ceci… Vous avez quitté Sakhaline à cause d’un Douze disparu, et vous en retrouvez un autre en arrivant ici.

— Un autre ?

— Oui, Charles XII.

Kozets grimaça un sourire, encore que la plaisanterie ne lui parût pas d’un goût exquis, puis tous deux pénétrèrent dans le bureau de l’hôtel.

Un instant après, chacun se retirait dans sa chambre, sur cette réflexion de Miss Mary :

— Après un tel voyage, une toilette soignée me semble de rigueur.

Kozets inclina la tête,

— Nous nous retrouverons donc à l’heure du déjeuner ?

— C’est cela, Miss Mary.

Enfermé dans sa chambre, le policier se baigna, se brossa, se lustra, se bichonna. Mais, après deux heures passées à ces agréables occupations, il se prit à réfléchir que vraiment ses supérieurs lui montraient une indifférence coupable.

Il s’était pressé, hâté, bousculé ; il avait parcouru douze mille kilomètres sur rails ; il était moulu, fourbu, éreinté, et en arrivant, à l’étape indiquée, non seulement il ne trouvait pas le plus petit ordre, mais encore on semblait prendre un malin plaisir à ne pas lui donner signe de vie.

Il sonna, s’informa si nul pli n’était parvenu à son adresse.

Sur la réponse négative du garçon accouru à son appel, il se replongea plus profondément dans ses réflexions moroses.

Vingt minutes plus tard, nouveau coup de sonnette, nouvelle apparition du garçon. Question identique, même réponse.

Un agacement grandissant tordait les nerfs du policier.

Bref, il venait de déranger, pour la sixième fois, le serviteur qui commençait à se demander très sérieusement s’il n’avait pas affaire à un fou, quand on heurta doucement à la porte.

M. Kozets se redressa comme mû par un ressort.

Ce ne pouvait être que la communication attendue. D’une voix allègre il lança :

— Entrez !

Le battant tourna lentement, et le policier poussa un cri de stupeur.

Sur le seuil, se montrait Dilevnor, dit Dodekhan, dit Douze.

Un complet de voyage, d’impeccables brodequins faisant valoir la cambrure aristocratique du pied, donnaient au jeune Turkmène l’apparence d’un touriste élégant au premier chef.