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Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/92

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manifester tout de suite qu’il entendait gouverner par lui-même, exprimer sa volonté sans intermédiaire et l’imposer au besoin. À peine le cardinal avait-il rendu l’âme que Louis faisait convoquer les ministres et leur défendait d’expédier rien sans avoir pris ses ordres. Comme le lendemain, l’archevêque de Rouen, président de l’Assemblée du clergé, lui demandait : « Votre Majesté m’avait ordonné de m’adresser à M. le Cardinal pour toutes les affaires ; le voici mort : à qui veut-Elle que je m’adresse ? — À moi, Monsieur l’Archevêque, » répondit ce roi de vingt-trois ans.

Ce désir bouleversait tellement la tradition et les idées d’alors qu’il prit à la Cour l’allure d’un petit coup d’État. On n’y voulut pas croire et Anne d’Autriche, quand on lui rapporta les paroles de son fils, éclata, paraît-il, d’un grand rire.

C’était compter sans la volonté du roi. Estimant que l’exercice du pouvoir absolu ne se pouvait concevoir sans un grand entendement des affaires, il se mit au travail. Chaque jour, pendant des heures, il conférait avec ses secrétaires d’État, lisait leurs rapports, les annotait, dressait des questionnaires auxquels les ministres devaient répondre avec concision et clarté. Doué d’une santé magnifique qui lui permettait de ne