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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/115

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quoi Louis II gênait-il la Prusse ? Ses accès de mauvaise humeur n’étaient ni plus graves ni plus inquiétants que ceux de ses confrères en médiatisation et en vassalité.

Et puis, ceux qui avaient envie d’en finir étaient si nombreux à Munich, qu’il est bien superflu de supposer que la machination avait eu besoin d’être montée à Berlin.

Puisqu’il s’agissait d’organiser une régence, le prince Luitpold, à qui elle revenait de droit, ne refusait pas de la prendre. Il ne manqua certainement pas de promettre à Bismarck qu’il ferait, pour la Bavière, un excellent préfet de l’empereur. Il y avait d’ailleurs longtemps qu’il se préparait à ce rôle, s’efforçant de ne pas se laisser oublier du pays, ayant soin de payer de sa personne et de sa bourse, devançant le roi dans toutes les circonstances. Ce vieillard se comportait gaillardement en héritier présomptif, comme s’il eût prévu qu’il conserverait sa régence jusqu’aux extrêmes limites de l’âge. Quiconque l’a entrevu dans les rues de Munich n’a pu oublier cette physionomie de chasseur de chamois, patient et rusé, ces yeux brillants et perçants, et, au-dessus d’une vénérable barbe de patriarche, ces narines bien ouvertes, respirant largement le plaisir de vivre. Le prince Luitpold avait soixante-cinq ans lorsqu’il exécuta son coup d’État, médité à loisir. Ce fut de l’ouvrage très savamment fait.

Le premier soin du ministère fut de déclarer que Louis II était atteint de folie, et, par conséquent, incapable d’exercer la souveraineté. Une Commission d’aliénistes, qui n’avait d’ailleurs pu examiner le malade, en avait ainsi décidé dans un rapport préalable, écrit dans un style assez réjouissant de médecins de Molière :

« Nous déclarons à l’unanimité : 1° Que l’esprit de Sa Majesté le roi est parvenu à un état de trouble très avancé ; que Sa