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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/53

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Le lendemain, le Journal universel annonçait « l’exil de Richard Wagner ». La Gazette de Bavière insérait, le même jour, une note d’après laquelle Sa Majesté, après avoir consulté des personnes impartiales et fidèlement attachées à la couronne, avait « décidé d’exprimer à M. Wagner son désir de le voir absent du royaume pendant quelques mois ».

L’opinion publique était satisfaite. Il est fâcheux que, dans son triomphe, elle ait été si peu généreuse pour le vaincu. On prétendit que l’ingratitude du favori avait à la fin révolté le prince et que Wagner avait été chassé de la cour. Ces calomnies indignèrent Louis II, au point qu’il fit insérer, le 10 décembre, dans la Gazette de Bavière, une importante rectification : Wagner n’a pas été « congédié », ainsi qu’on l’a affirmé. Le roi lui a seulement demandé « de vouloir bien voyager pendant quelques mois ». Bizarre exil, en effet, que celui où le proscrit est reconduit par le souverain, en train spécial, jusqu’à la frontière ! Car telle fut l’attention suprême que Louis voulut avoir pour « l’Unique ».

Cependant on comptait bien que ces quelques mois déguisaient un bannissement définitif, que le « mauvais génie du roi » ne reviendrait plus. Et, par une maladresse insigne, pour exprimer leur satisfaction, les Munichois envoyèrent à Louis II une adresse de remerciements. On devine de quelle humeur il la reçut ! Il n’était pas homme à se soumettre au populaire. Son amitié contrariée s’exalta. Et, dès lors, il ne rêva plus qu’expéditions secrètes pour revoir l’ami idolâtré, sacrifié par raison d’État. Wagner s’était retiré à Triebschen, près de Lucerne. C’est là que, pour lui prouver qu’il ne l’oubliait pas, le roi continua de lui envoyer des cadeaux. À plusieurs reprises, il réussit même à le rejoindre dans son ermitage.

Une première fois, le 22 mai 1866, moins de six mois