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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/71

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serviteur, le roi — et j’étais à même d’en juger, ne quittant pas ses appartements — n’a jamais eu de maîtresse. Jamais il n’a reçu de dame dans sa chambre. Il a toujours observé la plus ascétique chasteté et ne s’en est jamais départi. Tout ce qu’on a raconté de ses amours et de ses passions n’est que mensonge et calomnie. » Et il ajoutait en style d’épitaphe : « Le roi Louis est descendu dans la tombe non pas seulement célibataire, mais comme le plus pur des jeunes hommes. »

Louis II, libertin, n’eût rencontré que de rares résistances. Sa froideur intrigua les femmes et les attira vers lui. Il dut les repousser quelquefois avec rudesse et avec ce souverain mépris dont il avait le secret. Il découragea vite les partis qui entreprenaient de le mettre sous leur influence par l’entremise d’une maîtresse. Et ce furent parfois des scènes tristement comiques où Sa Majesté devait écarter des avances indiscrètes. Qu’on lise plutôt le spirituel récit qu’a fait M. Ferdinand Bac de l’aventure de Mlle Schefsky, chanteuse :

Quelle est l’histoire de cette femme qui voulut se noyer dans le bassin des poissons rouges ? — Cela s’est encore passé à Linderhof dans la grotte d’azur. Là, le roi avait fait creuser une petite pièce d’eau de deux pieds de profondeur, juste ce qu’il fallait pour y faire circuler un magnifique bateau en forme de cygne. Le cygne blanc nageait, et, comme Sa Majesté avait beaucoup d’imagination, elle rêvait là-dedans en écoutant de la musique, cachée derrière un rideau de fleurs. Or, un jour, une grande dame cantatrice qu’on appelait la Diva demanda au roi, dont elle se disait littéralement folle, la permission de monter dans le cygne et de lui chanter l’air d’Elsa. Mon maitre accepta sans songer à mal et se mit tranquillement près du bord, dans le jardin d’hiver. De là, il pouvait tout voir de loin dans un éclairage bleu qu’il avait fait confectionner par des savants et qui, sensément, devait représenter le Surnaturel. Alors la Diva, qui avait déjà montré auparavant quelques symptômes de sentiments exagérés, — peut-être aussi avait-elle bu trop de