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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/76

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rencontra pas de faveur dans le monde des théâtres. Plusieurs artistes soulagèrent même leur rancune en faisant des récits manifestement outrés des fêtes néroniennes que Louis II organisait à Munich.

C’était un Néron naïf et un peu puéril. Il voulait que le théâtre lui donnât, non l’illusion, mais l’image de la réalité. Il surveillait avec un soin enfantin la mise en scène. Marc Twain, l’humoriste américain — car la renommée de Louis II a passé jusque dans cette littérature — s’est amusé à raconter que, dans une pièce où un orage avait un rôle, le roi n’avait pas voulu qu’on se contentât d’imiter le bruit de l’averse et de la foudre. Il avait exigé une vraie pluie comme accessoire, et les acteurs, trempés et grelottants, avaient donné satisfaction au réalisme du royal spectateur. Cette plaisanterie américaine a au moins un point de départ juste. Bien souvent, Louis II fit régler des divertissements qui n’étaient pas d’un goût différent. Si la pluie ne mouillait pas les personnages, elle tombait cependant des frises en mince rideau. Par le même principe, le roi ordonnait que les reconstitutions historiques et archéologiques fussent soigneusement surveillées. Et il consultait son Académie sur les détails des costumes et des mœurs, demandant, par exemple, qu’on recherchât la manière de jouer aux cartes au XVIIe siècle, à propos de la Jeunesse de Louis XIV de Dumas père, ou bien, pour une représentation de Guillaume Tell de Schiller, faisant relever et rétablir, détail par détail, le célèbre chemin creux de Küssnacht. D’ailleurs grand amateur de Mémoires historiques, l’anachronisme l’irritait au plus haut point. « Vous gâtez tout mon plaisir », disait-il à l’auteur ou au metteur en scène coupable. Et les régisseurs redoutaient de ne pas le satisfaire, habitués à de royales colères pour le moindre oubli.