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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/108

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intérêt du moment. D’autre part, il lui est difficile de la faire échouer. Choix délicat. Une fois la paix conclue, il devra renoncer « à ce pouvoir, à cette haute position » où ses victoires l’ont placé. Il n’aura plus qu’à « faire sa cour, au Luxembourg, à des avocats ». Et il confie à Miot : « Je ne voudrais quitter l’armée d’Italie que pour jouer en France un rôle à peu près semblable à celui que je joue ici, et le moment n’est pas encore venu… Alors la paix peut être nécessaire pour satisfaire les désirs de nos badauds de Paris et, si elle doit se faire, c’est à moi de la faire. Si j’en laissais à un autre le mérite, ce bienfait le placerait plus haut dans l’opinion que toutes mes victoires. »

Ces raisonnements dicteront ce qu’on a le droit d’appeler sa politique, vraie politique de bascule, jusqu’à la signature du traité de Campo-Formio. Et, à l’égard de sa carrière et de l’avenir, sa ligne de conduite est irréprochable. En ce moment, le conflit entre les thermidoriens de gauche et la nouvelle majorité des Conseils est ouvert. Bonaparte prend parti pour la gauche, nettement. À l’occasion du 14 juillet, son ordre du jour à l’armée d’Italie est un manifeste de loyalisme républicain : « Jurons, sur nos drapeaux, guerre aux ennemis de la République et de la Constitution de l’an III ! » C’est le signal d’adresses enflammées, dans le meilleur style républicain, que les chefs de corps provoquent, sur ses instructions, et par lesquelles l’armée d’Italie se met à la disposition du gouvernement de la République.

Cependant Bonaparte se garde d’intervenir lui-même. Il se tient en réserve. Si les royalistes, les modérés, les « clichyens » menaçaient de l’emporter, il prendrait peut-être quelques divisions pour marcher sur Paris. Mais il est plus fin, plus calculateur que Hoche qui vient de se brûler par manque de réflexion avec une hâte maladroite. Se comparant à ce rival, dont le souvenir le pour-