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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/168

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LE PREMIER DES TROIS

état de remporter ses nouvelles victoires. Tout tournait autour d’une reprise, d’ailleurs inévitable, imposée par l’ennemi lui‑même, d’une guerre qui, on se l’imaginait, serait enfin libératrice. Car, à cette aurore du Consulat, qui paraît si brillante de loin, la situation qui avait causé la chute du Directoire subsistait avec tous ses périls. L’armée autrichienne, commandée par le feld-maréchal Mélas, était sous les armes en Italie. Dès le commencement de mars, elle entrait en opérations contre l’armée française, dont le commandement avait été donné à Masséna, le vainqueur de Zurich bientôt réduit à s’enfermer dans Gênes, tandis que son lieutenant Suchet serait repoussé jusqu’au Var et que l’ennemi violerait le territoire français. En d’autres termes, l’invasion, conjurée à l’entrée de l’hiver, était encore menaçante.

Puisqu’il fallait recommencer la guerre, et l’on se figurait toujours que c’était pour la dernière fois, du moins fallait-il aussi qu’on la fît dans de bonnes conditions. La première était d’en finir avec la guerre intérieure. C’est un des premiers actes du gouvernement de Bonaparte, parce que tout le programme du premier Consul, au‑dedans, découle de cette idée-là. En somme, la Convention avait été surprise par le soulèvement de la Vendée. La République croyait faire le bonheur du peuple français et de tous les peuples. Qu’une partie de la France restât insensible aux bienfaits de la Révolution, c’était pour les conventionnels un phénomène déconcertant. Mais, s’ils avaient révolté l’Ouest, c’était sans le savoir. Le Directoire n’avait pas cette excuse. Il ne pouvait plus ignorer que les méthodes jacobines, les levées d’hommes, la persécution religieuse rallumeraient l’insurrection vendéenne, comme elles allumaient l’insurrection de la Belgique. Au moment même où il poussait plus loin que jamais la guerre de conquêtes, le Directoire s’était planté délibérément ce « poignard dans le dos ».