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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/202

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L’ILLUSION D’AMIENS

ensuite que des évêchés fussent donnés indistinctement à des prélats royalistes et à des « jureurs » de même que son Conseil d’État était mêlé de « votants » et de fils d’émigrés, dans sa pensée constante de fusion, pensée faite à la fois d’utilité et d’indifférence, de mépris pour les hommes et d’estime pour leurs services.

Car nulle part, peut‑être, plus que par ce Concordat qui ne doit être « le triomphe d’aucun parti, mais la conciliation de tout », n’apparaît la disposition de son esprit à parler des langages divers, à prendre des attitudes successives selon les hommes auxquels il s’adresse et les circonstances qui se trouvent, à se livrer tour à tour, souvent à la fois, aux différents aspects des choses. Il varie parce qu’il est souple. Par cette souplesse, il impose sa volonté et arrive à ses fins. Le vent qui souffle, il excelle à le capter autant que cet autre amant de la gloire, l’auteur du Génie du Christianisme, le vicomte de Chateaubriand. Ils sentent l’un et l’autre que la mode est à la religion et ils mettront la religion à la mode.

Bonaparte n’est pas un croyant. Il ne le sera même jamais. Pour croire, il garde trop l’empreinte du XVIIIe siècle. En son fond, on peut dire qu’il est « déiste avec un respect involontaire et une prédilection pour le catholicisme ». C’est tout, mais c’est assez pour l’affaire du jour. Alors, aux idéologues athées, il montre d’un geste les étoiles et demande : « Qui a fait tout cela ? » Aux politiques, il représente qu’il s’agit de « faire cadrer les choses spirituelles » non seulement « à ses vues » mais à la politique nationale, d’employer la force des idées et des institutions religieuses au bien de l’État, à l’apaisement général et même à la fusion des peuples nouvellement réunis à la République. Est‑ce que les Belges ne sont pas tous catholiques romains, et les Rhénans presque tous ? Mais au pape, au cardinal secrétaire d’État Consalvi, au