Aller au contenu

Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
NAPOLÉON

risiennes, impose silence aux moqueurs. Voici bien autre chose. Napoléon a négligé d’informer Pie VII d’un détail dont il eût difficilement méconnu l’importance. À Rome, on le croit marié religieusement. N’a‑t‑il pas fait bénir le mariage de ses sœurs et de ses généraux, contraint son beau-frère Murat, moins que dévot, à passer, après coup, par la chapelle, exigé le baptême pour les enfants de sa famille ? Comment supposer qu’il se soit lui‑même dispensé de la règle qu’il impose et contenté du mariage civil où Barras avait été témoin ? L’arrière-pensée qu’on lui prête, rester libre de divorcer, il l’a sans doute, bien que, dans sa toute‑puissance, la bénédiction doive peu le gêner pour obtenir, quand il le voudra, que son union soit rompue. Plus simplement, peut‑être était-il agacé à l’idée de multiplier les agenouillements devant les autels, et, comme il s’était fait exempter de la communion solennelle avant le sacre, voulait‑il éviter le léger ridicule d’une bénédiction arrivant à son ménage neuf ans trop tard.

Répudier Joséphine, l’idée lui en est déjà venue. Ses frères, qui la haïssent, sottement, puisque sa stérilité répond que la succession impériale restera ouverte, le pressent depuis longtemps de se défaire d’elle, usant des arguments les plus étranges, puisque Joseph va jusqu’à lui dire : « Si elle meurt, on t’accusera de l’avoir empoisonnée. » Un moment, Napoléon s’était demandé s’il mettrait à ses côtés sur le trône une femme dont il savait mieux que personne où il l’avait prise et la vie qu’elle avait menée. Changeant en cela comme pour le reste, un jour il lui faisait une scène, quitte à se réconcilier avec elle le lendemain. Il n’y avait pas si longtemps qu’ils avaient cessé de ne faire qu’un lit. Il gardait de l’affection pour sa femme. Elle restait sa confidente, son refuge. Quand il voyait les ambassadeurs empressés auprès d’elle, les autorités, pendant leurs voyages, à ses pieds comme devant une souveraine, il se disait qu’il n’y avait pas de raison pour